Un jour dans un vallon un serpent piqua Jean Fréron et savez vous ce qui arriva
Voltaire
Vermisseau et la Vipère
Il était une fois l’histoire d’un pauvre serviteur qui s’appelait Vermisseau. Vermisseau travaillait durement dans la vie pour pouvoir s’acheter de la nourriture et se payer un toit pour dormir le soir.
─ Oh oui, ma foi, je travaille durement pour pouvoir m’acheter de la nourriture et me payer un toit pour dormir le soir ! se disait souvent Vermisseau.
Vous voyez, c’est bien ce que je vous disais.
Son dernier maître avait été très bon pour lui, mais après son décès, Vermisseau avait dû se mettre à la recherche d’un nouvel emploi et quitter, à regrets, la maison où il avait été si heureux. En effet, son maître, qui avait créé une structure en France, souffrait depuis longtemps déjà d’un cancer des taxicules. Quelques impayés contribuèrent en sus à sa liquidation. Les puissants escrocs s’en tirèrent sans mal car il ne pouvait se permettre de payer un avocat. Mais c’est le coup du contrôle fiscal qui lui avait été fatal. Cela dit, comme son maître était un brave homme et qu’il avait vu sa fin venir, il rédigea à Vermisseau de bonnes lettres de recommandation avant de disparaître. Et comme Vermisseau était besogneux et honnête, il était reparti sur le marché du travail la fleur au fusil.
Il se mit à répondre en nombre à quelques annonces qu’il trouvait dans des journaux ou sur la Toile, mais la conjoncture était sombre. Il procéda ensuite par candidatures spontanées au demeurant très formatées, en se demandant avec perplexité comment arriver à sortir du lot tout en restant dans la norme.
Il finit par rédiger une lettre de motivation qui ressemblait un peu à celle-ci :
Madame Votre Excellence,
Je vous envoie ce jour la présente afin de porter à votre connaissance le fait que je serais extrêmement intéressé par le poste décrit dans l’annonce n°2258 trouvée dans le Journal « Comment gravir les échelons de l’exploitation » n° 635.
Je suis prêt à beaucoup et même plus si vous le voulez. Ma vie vous sera dédiée au détriment de mon épanouissement personnel, de ma famille, de ma santé, dans la mesure où vous le méritez bien et que vous me feriez un honneur extrême en acceptant ma modeste requête. Je suis bien entendu prêt à me joindre à votre cour, à asservir d’autres sujets, à faire prospérer encore votre royaume exemplaire… Que n’ai-je travaillé avant pour vous ! Quelle joie me procure votre existence et, je dirais même plus, l’idée même de votre grandissime existence ! Vive la reine ! Vive son royaume ! Vive ses sujets ! Vive la reine !
Dans l’attente de votre aimable réponse, je vous prie d’agréer, Madame Votre Excellence, l’expression de mes sentiments respectueux.
Vermisseau.