Nouvelle lauréate du Prix George Sand, juin 2021 (13e sur 410 candidats)
Jolly Doll et le Vieux Sac
L’autre jour, au fond d’un vallon, un serpent piqua Jean Fréron.
Que croyez-vous qu’il arriva ? Ce fut le serpent qui creva.
Voltaire
Jolly Doll était fraîche comme un thé frappé, acidulée comme un sucre d’orge à la jelly.
Elle ressemblait… Vous savez à quoi elle ressemblait ? À ces petites danseuses avec les bras joints gracieusement au-dessus de la tête qui ornent les gondoles vénitiennes. Sauf qu’elle n’était pas italienne puisqu’elle était anglaise.
Oh, à dire vrai, elle n’était pas complètement jolie. Elle était peut-être même un peu désuète, faite comme elle était faite, Anglaise comme elle était Anglaise. Et elle avait l’air si libre ! Libre comme un oiseau, avait-on coutume de dire dans son pays natal.
C’est qu’elle était heureuse. Aussi pleinement heureuse que puisse l’être une étudiante anglaise à Paris, occupant ses journées à sa passion pour les croissants, sa passion pour la Tour Eiffel, sa passion pour la Seine, sa passion pour la passion.
Sur son avenir, non, elle n’était pas fixée.
Son étoile avait toujours bien fait les choses pour elle, alors pourquoi prévoir ? Pourquoi s’inquiéter, planifier ? On ne planifie pas quand on a vingt ans. On, n’a pas le temps et puis, de toute façon, on est éternel.
Et un jour Jolly Doll rencontra Prince Charming.
Il lui offrit des roses et des macarons, l’invita au restaurant puis chez Castel, et une bien jolie histoire commença. Il avait l’air sérieux et pas trop détraqué, avenant, gentil, posé. Il était beau, il était grand et il sentait bon le Français chaud. Quand il ne lui offrait pas des roses ni des macarons et qu’il ne l’invitait pas au restaurant ni chez Castel, il la déshabillait, et alors ils s’enlaçaient et pénétraient un monde à eux qu’ils construisaient, geste après geste, tout en souplesse. Et Jolly Doll disait oui, et même oui, oui, OUIIII !
Son Prince lui déclara sans tarder qu’il la trouvait très belle, à la fois douce et forte, jolie de l’extérieur mais aussi de l’intérieur, un air libre de poupée vénitienne et l’air classique de ces femmes que l’on veut à la fois épouse et mère.
Genou à terre, rose à la bouche et bouche en cœur, il lui fit sa demande.
(...)