J'aime pas les copies
Je suis en vacances. In hollidays. On hollydays. In break. On a pause. Comme disent mes élèves. Smile. Yellow. Enfin, en vacances, façon de parler. Re-smile, puisque c’est grave. Parce que oui, un prof a beaucoup de vacances (c’est pour ça qu’il n’est payé que 10 mois lissés sur 12) mais donc, un prof n’a pas beaucoup d’argent. Enfin en France. Surtout. Peu. Voilà. Little. Teeny-weeny money. In a rich man’s world. Pourtant, on n’est pas dans la pooh, comme dirait Winnie. Alors il a beaucoup de vacances, le teacher, mais il ne part pas… en vacances. Il reste, en vacances, le prof. Nuance. Alors quand les vacances arrivent, il ne sait jamais exactement ce qu’il va faire, le prof. Non. Il y a juste une chose dont il est certain, le prof : il va passer les premiers jours dans un état second à ne rien pouvoir faire tellement il est exténué par le trimestre passé et plus encore par le suivant d’ailleurs... Et la deuxième chose qu’il sait, le prof, de façon sûre, le prof, sûre et certaine, même, le prof, c’est qu’il va consacrer une partie de ses congés à corriger des copies !!! Des copies dans lesquelles il va relever faute sur faute, erreur sur erreur, connerie sur connerie, et ne rien apprendre. At all. Enfin, dans sa matière. Parce que sociologiquement parlant, c’est édifiant, il faut bien le reconnaître. Et d’ailleurs, si, le prof va apprendre une chose quand même en faisant son pensum : à être patient ! Encore... Mince, est-ce que je me serais pas trompée de métier, moi ? Et une autre chose aussi en fait : à déchiffrer les hiéroglyphes des élèves et surtout des garçons de 4ème, les pires. Sans vouloir paraître sexiste. De loin. Et même de près d’ailleurs. Tous destinés à devenir médecins si vous voulez mon avis. Si, si. Alors est-ce que je n’aurais pas dû être égyptologue, en fait ? Ou pharmacien ? Bon, on s’en tape, pour le moment, je fais prof alors je me reconcentre sur mes p…... de m…. de s……... de copies.
Heureusement que je n’ai pas 153 copies identiques à corriger ! Mais non, voyons, les copies se suivent et ne se ressemblent pas ! Forcément.
Parce qu’il faut bien avouer que parfois, une copie, c’est mignon. Surtout en 6ème, quand ils vous déballent toute leur vie dans leurs mini-rédacs auto-descriptives et qu’on apprend qu’ils aiment les donuts, les licornes, les rats, Napoléon (oui, c’est le nom du chien...) ou qu’ils se décrivent en me précisant qu’ils ont des oreilles (au cas où je ne l’aurais pas remarqué), deux yeux (au cas où je ne l’aurais pas remarqué non plus), un cheveu (ah ben non, ça je ne l’avais pas remarqué, Matthieu), avec cette précision bien révélatrice de notre société : Aujourd’hui, je porte des Stan Smiths, un Levis, un Hollister, des Uggs… Ils sont mignons, mignons, mignons, mignons, mignons, non, non, Mignons, mignons… non, non...
Parfois aussi, c’est d’une triviale fraîcheur, une copie, lorsqu’ils nous disent que leur mère cuisine tout le temps des choux de Bruxelles qui font péter, que la grand-mère leur fait peur quand ils la voient sans ses dents ou que le papa aime bien la nouvelle baby-sitter. Ingrid, est-ce que tu … ?
D’autres fois, c’est un peu consternant, quand on apprend que son élève dort au grenier à côté de la caisse à outils ou qu’il est triste parce que sa grand-mère est morte même si elle n’avait plus de dents et que depuis, il n’a plus d’étrennes, ou qu’il confesse qu’il a mis Flipper, le poisson rouge du petit frère, dans son lit, sous son oreiller, parce que son frangin lui avait déchiré son manga préféré par inadvertance et que les poissons, ça peut pas parler...
Encore, sometimes, une copie, c’est interloquant. Lorsque je demande à mes quatrièmes, ce qui définit, selon eux, un ado, j’obtiens des réponses du genre : "Un ado, c’est quelqu’un qui a tout le temps envie de dormir mais il peut pas parce qu’il a trop de jeux vidéos" (Continue donc de dormir en cours, Gaston, on ne change pas une équipe qui gagne à Mine-Craft !). "Un ado, c’est quelqu’un qui a tout le temps faim" (eh bien, ça se voit un peu !), sauf qu’il y a aussi : "Un ado, c’est quelqu’un qui ne mange jamais" (eh ben ça se voit pas !) et le très consternant : "Un ado, c’est un idiot" (alors je ne sais pas si c’est ce que tu t’entends sans cesse répéter par tes abrutis de parents mais il ne faut pas prendre ton cas pour une généralité, quand même, même si les bulots ne font pas des huîtres!) et le flippant : "Un ado, c’est quelqu’un qui n’aime pas ses parents, ni sa sœur, ni son frère, ni ses camarades, ni personne, fin de citation..." (je vais peut-être en parler à la psy scolaire quand même parce que ça m’a l’air potentiellement dangereux, vous en pensez quoi, vous ? Putain, pourquoi je travaille pas aux States, au moins, j’aurais un flingue pour me défendre ! Pays de merde. Vie de merde. Un élève m’assènera aussi un péremptoire et culotté : "Un ado, c’est quelqu’un de parfait", mais pour la plupart, ils s’auto-flagellent : un ado, c’est quelqu’un qui ne sait pas qui il est, c’est quelqu’un qui a plein de boutons alors qu’il veut sortir avec Blanche, laquelle sort bien entendu avec Nicolas donc il n’a aucune chance et du coup, il va sortir avec Lola, forcément, sous l’abri du Superbus, Allô Lola, puisqu’il n’a pas le choix…
Aussi, encore sometimes, il y a des copies sans noms, alors on doit recouper toutes les copies à la fin pour trouver celui qui n’a pas eu les balloches de signer son œuvre ou suffisamment de neurones, ou ceux qui se prennent pour Jennifer, Matt ou Johnny et qui ne signent que de leur prénom, voire de deux lettres, genre ZZ ou même d’une, genre M. Et puis il y a les copies où déjà, la date n’est pas bien écrite, ce qui n’augure rien de bon, ceux qui mettent la bonne date mais pensent qu’on est encore en 2013, c’est drôle aussi, qu’est-ce qu’on se marre, ceux qui n’ont manifestement plus d’effaceur, voire plus de feuille, ceux qui n’ont déjà pas grand-chose sur leur copie alors heureusement qu’ils n’ont rien effacé sur leur mini-feuille, cielles qui écrivent en dégradé de violet, de rose et qui mettent des cœurs à la place des points sur les « i », et ça, non seulement c'est pas joli mais en plus ça fout la gerbe.
Et parfois enfin, ça va pas mieux, et on a juste envie de se pendre quand on entend que Nelson Mandela a été le Président des Etats-Unis, que Pamela Anderson a été la Présidente de l’Afrique du Sud (et oui, au temps des dinosaures probablement), que les SDF n’ont qu’à travailler en faisant les devoirs des collégiens (en voilà une idée qu’elle est pas bonne !), et que la mer à Londres est un peu froide alors c’est tellement mieux d’aller dans le Gulf stream parce qu’il y fait plus chaud pour jouer au golf et d’ailleurs c’est pour ça que le golf a été inventé par les Américains… du Sud, quand même. Right, Tiger?
Alors finalement, 5 paquets de copies, ce n’est pas le drame, quand on y réfléchit. Comment ? Pourquoi je me suis retrouvée avec 5 paquets de copies pendant mes vacances ? Ben, parce que je me suis débrouillée comme une merde. Et puis que je les ai pas corrigées avant. Voilà. Et je dirais même plus : voilà, voilà… Alors à un moment, faut bien des notes, hein, quand même. Et puis est-ce que je vous en pose, moi des questions ? Vous voulez un zéro pointé ? Donc je disais : c’est pas un drame. Ça peut même être mignon. So cute!!!. Trivial. Yeurk. Interloquant. What the f… ? Pas fini. Like them. Pendiloquant. Life is a bitch. Et même instructif. Itoo. Édifiant. Sure. Émouvant. Aga-aga-aga. Admettons. In a nutshell: méga-chiant !!!!!! Certainly. Parce que si, en fait, les copies se suivent et se ressemblent!!! CQFD déprimant.
Allez, Jj’y retourne, j’ai encore plein de « s » à la troisième personne du singulier à rajouter, plein de « s » aux adjectifs à enlever, plein de « h » à « which » à rajouter et de « h » à « ears » à enlever. Bref, plein de stylos rouges à vider. Haut les cœurs ! You-ou !!! Not.